Vitaly Malkin
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Balance ton x

    Mihai Surdu

    Mihai Surdu

    Aujourd’hui, le moindre soupçon sur internet peut vous valoir la condamnation du tribunal populaire. Mais cette condamnation virtuelle peut avoir des répercussions bien réelles sur vos vies. Comment se libérer de cette justice expéditive ?

    Faites cette simple expérience de l’imagination : imaginez que vous êtes à votre travail, que vous démarrez votre journée avec votre café, que vous avez clairement à l’esprit ce que vous allez faire, vos projets, etc. Et puis soudainement, vous vous apercevez que votre voisin de bureau, habituellement bienveillant, vous regarde bizarrement. Quelques minutes plus tard, votre supérieur vient vous voir pour vous dire avec un air grave : « je peux te voir un instant s’il te plaît ? ». Là, il vous annonce que vous allez être viré, parce que vous êtes accusé sur internet de telle chose très grave, en vous expliquant que vraiment, « on ne peut pas te garder, ce serait très mauvais pour l’image de l’entreprise ». Vous répondrez alors : « Accusé de quoi ? Et par qui ? A-t-on porté plainte contre moi ? La justice a-t-elle ouvert une enquête à mon sujet ?».

    Non, personne n’a déposé plainte contre vous. La justice n’est pas saisie. Et pourtant, vous avez bien un procureur à vos trousses, ou plutôt une horde de petits procureurs. Et ceux-là ne portent pas de robe noire, ils n’ont pas fait de longues études de droit, ils n’ont pas pris le temps de regarder le dossier en détail pour savoir si, oui ou non, il fallait ouvrir une enquête sur vous. Ils sont simplement derrière leurs écrans à souscrire de manière émotionnelle à ce qui est dit à votre sujet sur internet par d’autres gens qu’ils ne connaissent généralement pas.

    Patience, réflexion

    On va me répondre « oui, mais les faits dont x est accusé sont très graves ». Entendu ! Qu’on se réfère à la justice, qu’on essaie de comprendre les éléments de l’enquête. Non pas parce que le procureur est un surhomme, il peut se tromper. Il n’a aucun superpouvoir. Mais, au moins, il va prendre le temps, patiemment, de regarder les faits, les choses importantes à savoir s’il faut ouvrir une enquête judiciaire sur vous.

    Je ne suis pas sûr qu’une justice où l’enquête du procureur est remplacée par l’émotion des réseaux sociaux produise une meilleure société. C’est là ma réflexion essentielle. C’est même quelque chose d’assez surprenant pour moi de percevoir cela en Europe occidentale, cette grande région du rationalisme, où justement, on a tendance historiquement à penser qu’une chose n’est pas vraie tant qu’elle n’a pas été établie rationnellement. Personnellement, je ne vois que la régression dans ce changement de mentalité. Je balance x d’une chose très grave, qui va sûrement choquer l’opinion publique, et lui aura tout le mal du monde à se justifier et à se défendre hors du cadre juridique. Je risque en réalité très peu si finalement la chose était fausse !

    Je veux encore ajouter que « balancer ton x » n’est pas du tout nouveau dans l’histoire de l’humanité. Déjà les Grecs, nos maîtres de pensée, rencontraient ce problème. Il y avait chez eux ceux qu’on appelait les sycophantes. Les sycophantes étaient des accusateurs publics, qui essayaient de gagner de l’argent en accusant x de tel ou tel méfait, car si x était condamné, ils étaient rétribués. À cette époque, justement, il n’y avait pas de procureur, et les procès commençaient le plus souvent avec la dénonciation des citoyens. Aujourd’hui, les sycophantes ne cherchent plus à gagner de l’argent. Ils cherchent à s’assurer eux-mêmes d’être du bon côté de la morale : « je dénonce publiquement x qui est soupçonné d’avoir fait quelque chose de mal ; je suis donc quelqu’un de bien ! » Tel est le raisonnement du sycophante de notre époque.

    Toujours rester libre

    Bien sûr, une fois encore, que notre justice n’est pas parfaite ! Bien sûr encore que des choses graves étaient (et sont toujours) passées sous silence juste parce que les victimes avaient peur de parler ! Je suis pour la libération de toute parole, sur tous les sujets ! Mais parce que je suis un défenseur des libertés, je suis aussi le défenseur d’une liberté importante : le droit à la tranquillité. Cela signifie que vous devez pouvoir vous réveiller le matin en étant sûr que votre vie ne va pas être renversée par une accusation soudaine, avant même d’avoir été jugé.  Votre vie ne va pas être renversée par une accusation soudaine : il faut attendre un procès où les faits seront articulés calmement et où vous aurez l’occasion de vous défendre.

    Les mauvaises passions ont toujours existé dans le cœur des hommes. Pour ma part, j’essaie toujours de réfléchir avant d’entrer dans la danse du scandale médiatique des réseaux sociaux. C’est pourquoi, lorsque l’on entend crier « x a été balancé », j’invite tous les libres penseurs à préférer la patience d’une enquête à la réaction émotionnelle. C’est l’ensemble de la société qui peut y gagner.

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