Vitaly Malkin
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Deux ennemis de l’individu - Partie 2

    Dans la première partie de ce texte, j’ai esquissé à grands traits les points communs entre deux hommes qu’a priori tout oppose : Paul de Tarse et Karl Marx. J’ai tenté de montrer en quoi ils ont été deux grands propagateurs d’un principe extrêmement puissant : celui d’homme universel. J’ai supposé le caractère abstrait et néfaste de ce principe.

    Pour beaucoup de lecteurs, j’imagine que mon sort est déjà réglé ! Si je m’avise de dénoncer l’humanisme universel, c’est donc que je déteste les hommes. Cela fait de moi un salaud. C’est justement ce genre d’idée que les (nombreux) disciples de Paul et Marx ont réussi à instiller dans les esprits de millions d’hommes. Ceux qui ont osé remettre en cause le postulat d’un homme universel ont toujours été vus comme des pestiférés. On les a volontiers assimilés aux racistes, aux fascistes, aux partisans d’une hiérarchie stricte et immuable entre les humains.

    Ce fut le cas de la très libérale Ayn Rand. Cette femme dont j’admire l’oeuvre et le courage a réuni sous une même opprobre l’héritage intellectuel de nos deux prophètes. Pour elle, christianisme et communisme sont les « deux faces d’une même pièce ». C’est du moins ce qu’en disait le philosophe Jean Staune (ouvertement chrétien), dans son livre Les clés du futur, réinventer ensemble la société, l’économie et la science, paru en 2015 :

    "Christianisme comme communisme détournent l’homme du bonheur dans sa vie présente, au profit du bonheur dans un monde futur, celui d’un paradis situé après la mort ou celui à construire sur Terre pour les générations futures. De plus, ces deux idéologies rendent obligatoire la charité. L’homme d’une société marxiste se doit de se dévouer au bonheur collectif, tandis que le chrétien se doit d’aider ceux qui, moins chanceux que lui, sont dans le besoin. Il s’agit là, pour Ayn Rand, dans le droit fil d’une philosophie post-nietzschéenne, de la plus grande des abominations."

    Il n’y a pas d’humanité, il n’y a que des individus

    J’ai expliqué dans un précédent billet en quoi cette vision est à la base de mon engagement philanthropique. Réfléchir aux messages respectifs de Paul et Marx sous le prisme de l’humanisme universel m’a permis de comprendre contre quoi je m’étais spontanément érigé. Une lecture attentive distingue chez eux (et chez leurs disciples) une même tournure d’esprit, une tendance qui les conduit à voir tous les hommes comme des êtres égaux par essence, donc voués à le devenir dans les faits. Elle les conduit aussi à s’intéresser de manière obsessionnelle à ce que j’appellerais le faible exclu.

    S’intéressant à un processus de recrutement, les personnes dotées de cette tournure d’esprit penseront d’abord aux candidats exclus pour défaut de compétences ou incompatibilité d’humeur. Décrivant une scène de drague en boite de nuit, il s’émouvront du sort des personnes rejetées parce que ne faisant pas l’affaire sur le plan physique ou  hormonal. En politique, quel que soit le sujet, ils accorderont une attention quasi-exclusive au sort du dominé, du minoritaire.

    Bref, quelqu’un qui réfléchit dans les catégories établies par Paul et Marx pensera aux membres exclus d’une interaction humaine, avant même de se demander ce que cette interaction peut avoir de bénéfique (ou non) pour ses protagonistes ! En cela, il envisagera le monde des humains non seulement d’un point de vue abstrait, mais en étant constamment à côté de la plaque. En se concentrant sur le hors-champ, il ratera l’essentiel.

    Car au fond, quels que soient nos succès et nos échecs, quels que soient le volume et la qualité de nos échanges, nos vies sont faites de relations interpersonnelles. Tout, absolument tout dans la vie est une question de rencontres contingentes, de choix, de gens qu’on accepte, d’autres qu’on écarte. Tous les jours, nous avons affaire, non pas à l’humanité, mais à des hommes et des femmes ou des personnes d’un autre genre, peu importe lequel, disons pour faire simple et éviter une nouvelle fois le piège de l’abstraction catégorielle : des individus. 

    Nul n’est réductible à une essence abstraite

    Aucun de ces individus n’est interchangeable. Vous, moi, votre mère, la mienne : chacun est unique. Chacune mérite que je m’intéresse (ou non) à lui pour ses qualités propres, et non en vertu d’une présomption de fraternité que constituerait son appartenance biologique à la même espèce. Quelqu’un mérite mon estime, mon amitié, mon amour, non pas parce qu’il est un être humain, mais par la valeur qu’il revêt à mes yeux. Même chose pour la haine, le rejet, ou simplement le désaccord : un misanthrope détestera l’humanité en bloc par une tournure d’esprit globalisante, donc fausse ; une personne à peu près équilibrée saura faire le tri dans ses inimitiés.

    A l’opposé du misanthrope, il y a l’humaniste intégral. Drôle de personnage. Qui affirmera sincèrement qu’il aime tous les hommes d’un même amour inconditionnel ? Qui pense vraiment ça ? Le monde selon Paul et Marx n’est qu’une vaste fiction, une vue de l’esprit. Tous les deux ont fait des dégâts considérables en instillant dans l’esprit des hommes le mensonge de l’indistinction, la fable de l’amour inconditionnel de son prochain.

    La preuve que ce principe est faux réside dans l’application qui en a été faite. Au nom de leur amour inconditionnel pour l’humanité, les chrétiens ont exterminé des milliers d’hérétiques, adoubé des guerres de conquête pour peu qu’elles se déroulent au nom de la foi. Parvenus au pouvoir, les disciples de Marx ont massacré par millions des bourgeois, des paysans riches, des prolétaires qui avaient eu le mauvais goût de ne pas souscrire docilement à cet amour inconditionnel. Je ne pense pas qu’on puisse trouver meilleure démonstration de l’inanité du postulat de base. Sous la bannière du christianisme, puis du communisme, des hommes en ont massacré d’autres au nom de l’humanité. Au nom d’une humanité telle qu’ils l’avaient rêvée. Et pourtant, une bonne partie des hommes d’aujourd’hui continue de s’accrocher à ce principe. Ça reste pour moi un mystère.

    Parvenu au terme de cette réflexion, je me rends compte que je n’ai fait qu’effleurer un sujet immense. J’en ai à la fois trop dit et pas assez. Impossible, en deux billets de blog, de rendre compte du rôle qu’ont joué Paul et Marx dans la construction de l’idéal néfaste d’égalité. Mes lectures et intérêts du moment me portent à réfléchir à cette question. Il est possible que je commette d’ici peu quelque pamphlet sur le sujet. Affaire à suivre !

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