Vitaly Malkin
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Faire de sa vie un éternel aujourd’hui

    Photo de moi, déjà en train de profiter du jour même !

    Ce week-end, j’ai célébré mon anniversaire. Et quel anniversaire : mon entrée dans la soixante-dixième année d’une existence unique, à la fois parce que c’est la mienne, mais surtout parce que c’est la seule que j’aurai jamais !

    On dit des anniversaires, surtout de ceux qui marquent un changement de décennie, qu’ils sont des bornes. Mais ce sont des bornes changeantes. Quand on est jeune, on a plaisir à les fêter. Et puis, autour de la quarantaine, parfois même avant, on refuse presque d’en entendre parler. Parce qu’alors on sait qu’ajouter un an à sa biographie, c’est comme remettre une pièce en bois dans ce jeu de construction auquel on jouait enfant : chaque étage supplémentaire rapproche l’édifice de son écroulement.

    Le mensonge du temps cyclique

    Pour éviter d’y penser, l’esprit s’est réfugié dans une sorte de ruse : l’apologie du temps cyclique. Les anniversaires sont basés sur le principe de l'éternel retour. Ils symbolisent dans notre chair la perception du monde comme une suite d'événements qui se répètent à l’infini. A mesure qu’on avance en âge et qu’on célèbre ce rite, nos amis s’approchent de nous avec un air souriant et fataliste et ils nous disent : « Ne pense pas à la vieillesse et à la mort. Tu as déjà tant accompli ! Et tu en feras encore plus ! Et tu vivras jusqu’à cent ans ! Et puis le phénomène se répètera, chez tes enfants, et leurs enfants à eux… »

    Tout cela, je suis désolé de l’écrire, ce sont des conneries. Aucun d’entre nous ne se survivra à travers sa descendance. Et je doute fort que le souvenir de notre passage sur terre restera longtemps ancré dans le cœur des hommes.

    Il n'y a pas d'éternel retour. Il n’y a que l’éternel vieillissement. L’éternel  dépérissement. L’éternelle désintégration. Comme les bâtiments en pierre commencent à s’effondrer le jour-même de leur mise en service, notre vie est un lent affaissement. Nous commençons à perdre l’ouïe vers l’âge de 10 ans, le désir sexuel à partir de 30 ans, la force musculaire à 35-40 ans. La vue, la vitesse de réaction baissent au fur et à mesure qu’on progresse en âge. Les cheveux tombent. Le cul s’affaisse, l’échine se plie, les articulations et les ligaments font de plus en plus mal. Et à la fin, c’est carrément la débâcle. Comme l’a dit l’écrivain Philip Roth : « Ce n’est pas une bataille, la vieillesse, c’est un carnage ».

    70 batailles remportées contre l’inéluctable

    70 ans : il paraît que c’est une borne spéciale. L’entrée dans un âge canonique. Du moins c’est ce ce qu’on disait lorsque j’étais enfant. Rien qu’à ce jour, j’aurai vécu un temps supérieur à celui auquel auraient pu prétendre la plupart de mes ancêtres. Quant à ceux qui ont atteint cet âge, ils l’ont fait dans un corps meurtri, avec le dos voûté, des dents en moins, une longue barbe de prophète…

    Et pourtant, s’il est un mot étranger à mes pensées à l’heure de souffler mes bougies, c’est le mot vieux. Non pas parce que je refuserais de vieillir, ce qui serait ridicule (comment refuser l’inéluctable ?). Mais simplement parce que mon corps et mon esprit se sont ligués pour ignorer cette barrière. Avec de la chance, une bonne hygiène de vie et pas mal d’efforts pour maintenir mon corps en état de marche, je me suis bien débrouillé jusque-là pour déserter la bataille promise par Philip Roth. Contre les décroissants, contre les obscurantistes de tout poil, louons les progrès qui ont rendu possible un tel exploit ! 

    Mais je sais bien qu’un jour ou l’autre, je ne pourrai plus me soustraire à la bataille. Comment faire pour supporter cette pensée ? Comment vivre quand on sait que la vie nous précipite dans un сul-de-sac ?

    Tomorrow never comes

    Pour lutter contre la désintégration éternelle, chacun d’entre nous dispose d’une arme puissante. Cette arme, je l’ai appelée l’éternel aujourd’hui. Il nous faut agir comme s’il n’y avait pas de lendemain. Tomorrow never comes ! Il n’y a qu'une succession de jours présents. Cette suite de jours sans fin déterminée, chacun doit l’occuper du mieux qu’il peut. Il doit l’épuiser à travers de grandes choses, mais aussi par des petits plaisirs, du sport, de la lecture, des films, de l’amour. Surtout de l’amour ! Il nous faut donner chaque jour une partie de notre chaleur à nos proches et recevoir leur chaleur en retour.

    Ceux qui sont incapables de vivre pleinement l’éternel aujourd’hui vieillissent plus vite que les autres. Ils se transforment en zombies, en cadavres ambulants. Il y en a tellement autour de nous que nous avons cessé de les remarquer, ces gens qui tournent comme des coquilles vides…

    Pour ne pas subir leur destin de mollusque, j’ai profité de cette nouvelle borne pour réunir ma famille et mes amis le temps d’un week-end. Avec eux, j’ai passé un moment comme je les aime. De la bonne chère, de la musique, de la luxure ! Tel est mon conseil à tous ceux qui redoutent le passage du temps : organisez une fête de tous les diables. Un événement qui serait à la fois une fête de la désintégration et de la destruction et une fête de la création et de la joie. Vivez et jouissez sans égard pour le lendemain, car il n’existe pas !

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