Vitaly Malkin
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Rapport Sauvé : l’Eglise à nouveau face à son hypocrisie

    Photo by Simone Savoldi

    Photo by Simone Savoldi

    Le rapport Sauvé a fait l’effet d’une bombe. Il évalue à 216 000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l’objet de violences ou d’agressions sexuelles pendant leur minorité de la part de clercs ou de religieux catholiques, en France, entre 1950 et 2020. Sa publication a plongé dans la stupeur les derniers bastions du catholicisme français. Certains se demandent même si ce n’est pas le dernier clou planté dans le cercueil d’une religion qui a dominé l’Europe pendant près de deux mille ans…

    Pour ma part, je ne suis pas surpris. Aussi spectaculaires que soient les chiffres, les révélations  contenues dans ce rapport n’en sont pas vraiment. Elles sont le dernier avatar d’une série de scandales qui secouent l’Eglise depuis un bon demi-siècle. On se souvient du film Spotlight, consacré à la dénonciation par le Boston Globe de pratiques condamnables au sein du clergé américain. Ou encore de Grâce à Dieu, qui dénonçait les silences du haut-clergé lyonnais sur des agissements pourtant bien connus. Les choses, on le sait grâce à certains rapports d’enquête restés confidentiels, durent ainsi depuis des siècles. Mais il a fallu attendre la fin du 20e pour que la vérité soit entendue. A mesure que la protection de l’enfance devient une cause essentielle et que l’Eglise perd de son influence, les langues se délient. 

    Perversion systémique et mafia pédophile

    Cette succession d’affaires vient battre en brèche un argument souvent entendu : celui d’une certaine normalité de l’Eglise par rapport à la question. Chaque fois qu’on aborde la question avec un catholique, il a tendance à répondre : prenez n’importe quel corps de métier mettant des adultes au contact d’enfants et vous aurez des affaires de pédophilie. 

    C’est peut-être vrai, mais pas à cette échelle. L’apport principal du rapport Sauvé, outre l’ampleur des cas répertoriés, c’est qu’il a clairement mis en cause l’existence d’un système. Un système qui a permis à des milliers de pédophiles d’agir en toute impunité, en étant protégés par leur hiérarchie. A tel point que le directeur d’un journal catholique a parlé de « perversion systémique » et de « mafia ».

    Au bout du compte, il y a cette question terrible : soit l’Eglise attire en son sein des individus qui présentent un profil de pédophile, soit elle encourage ce genre de comportements. Question difficile à trancher. Ma seule certitude, c’est que les fondamentaux de la religion catholique sont propices à de telles déviances. Cela fait plusieurs années déjà que je parle à ce propos de célibat pédophile, dans le sens où la (non) sexualité des prêtres explique en grande partie le phénomène.

    Comme tous les systèmes, le système qui émerge des entrailles de l’Eglise trouve sa source dans un mythe : celui de la pureté du prêtre. Toutes les religions monothéistes ont un problème avec la sexualité. Seul le catholicisme a poussé le désir de pureté devant Dieu jusqu’à interdire à ses « serviteurs » d’écouter leurs instincts sexuels. Seul le catholicisme impose aux prêtres célibat et chasteté. Le lien entre ce choix de vie drastique et les affaires de pédophilie est-il un lien de corrélation ou de causalité ? Là encore, une question mystérieuse, qui nous conduit dans les tréfonds de la nature humaine….

    Au cœur du problème, le célibat des prêtres

    Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’en niant aux prêtres l’exercice de leur sexualité, on s’expose à un violent retour du refoulé. Ceux qui en font les frais sont les plus innocents, les plus fragiles, les moins susceptibles de se défendre face à un tel déchaînement de pulsions : les enfants. On remarque à ce titre que les garçons forment l’écrasante majorité des victimes. D’abord pour une raison pratique : ce sont les plus impliqués dans les rites, notamment dans le service de la messe. L’autre raison est symbolique : contrairement aux filles, tentatrices par excellence, ils sont moins associés au soi-disant péché originel dans la crainte duquel sont entretenus les catholiques. Des psychologues tels que Lloyd deMause ont développé une interprétation complémentaire : empêchés dans leur sexualité, contraints de demeurer toute leur vie à un stade pré-adulte, les prêtres catholiques sont comme des enfants, qui « pratiquent » avec d’autres enfants ces choses qu’on leur interdit.

    Maintenant que le rapport Sauvé est sur la place publique, on entend les mêmes questions qui reviennent à chaque fois : l’Eglise peut-elle changer ? Est-elle capable de tirer les leçons d’un tel désastre ? De ce point de vue-là, je suis plutôt pessimiste. Sans doute suffirait-il de revenir sur le célibat des prêtres pour supprimer la plus grande partie du problème. Mais à ma connaissance, la mesure ne figure pas au programme du Vatican. Autoriser les prêtres à avoir une activité sexuelle ne serait pourtant pas contraire aux Evangiles. D’autres branches du christianisme se sont pliées à cette règle de la nature sans que cela ne semble pose problème à leurs fidèles. Pourtant, les catholiques s’arc-boutent sur ce principe absurde. Quant au reste de la société, il semble surtout préoccupé par le devoir de réparation. On attend des prêtres fautifs qu’ils soient punis à la hauteur de leurs actes. Plus personne ne semble vouloir les libérer d’un célibat aux allures de prison. C’est la preuve que le catholicisme a perdu son influence sur une immense partie de l’Europe. Mais ailleurs, sur d’autres continents, ses préceptes imbéciles continuent de produire leurs effets. Il faut sans doute s’attendre à ce que les prochains scandales nous viennent d’Afrique ou d’Amérique Latine.

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