Vitaly Malkin
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Vers un réenchantement du monde ?

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    Pas si irrationnel, le formidable retour en grâce des croyances ésotériques a des causes profondes. N’oublions pas qu’il est aussi un retour de bâton pas vraiment volé pour les grandes religions monothéistes qui ne leur ont jamais rien épargné !

    “Contrairement à certaines idées reçues qui tendent à les réduire à des croyances obscures et marginales, l’engouement pour les parasciences est un phénomène à la fois majoritaire et de plus en plus répandu.” C’est ce que conclut une intéressante enquête de l’Ifop. En effet, une majorité de Français (58 %) déclarent croire à au moins une des disciplines de parascience, à savoir l’astrologie (41 %), les lignes de la main (29 %), la sorcellerie (28 %), la voyance (26 %), la numérologie (26 %) ou la cartomancie (23 %). Tout esprit scientifique que je suis, j’ai beaucoup de raisons de me réjouir de voir la progression de ces croyances.

    “Ce phénomène n’est pas seulement répandu, il est également en hausse continue depuis au moins une vingtaine d’années”, ajoute l’Ifop. Par exemple, la croyance dans l’astrologie a augmenté de 8 points par rapport à 2000, atteignant aujourd’hui les 41%. De même, la croyance dans les prédictions des voyants a également crû de manière continue en vingt ans (plus 8 points) pour s’élever aujourd’hui à 26 %. Alors que cela touchait à peine un Français sur six il y a quarante ans (18 % en 1981), la croyance dans les envoûtements et la sorcellerie séduit maintenant près de trois Français sur dix : 28 %, soit une hausse de 7 points depuis 2000, mais surtout de 10 points depuis 1981. Concernant le succès de l’astrologie, la culture pop et les séries ont joué un rôle décisif !

    Un retour en grâce tant attendu

    Croit-on que c’est la raison ou les sciences qui avaient conduit au recul des croyances anciennes, de la magie et des sorcières ? En fait, ce sont les grandes religions elles-mêmes qui ont conduit au recul de ces croyances. Dans le monde des religions monothéistes, les fées des bois ou les dieux des autres n’ont plus leur place et incarnent forcément des personnalités démoniaques. C’est pourquoi le christianisme ou l’islam, notamment, ont inlassablement pourchassé la magie et toutes les formes de “superstition”. Dommage, car ces religions étaient humaines, très humaines, et en ce sens elles étaient bien plus utiles à l’homme que les religions monothéistes qui ont compliqué la vie des hommes… à l’infini.

    Un double mouvement que je détaille dans mon pamphlet Mille réponses au besoin de croire, qui montre aussi comment les monothéismes se sont imposés à nous. Des religions pour le moins exclusives, qui ont mis à terre une multitude de croyances dites irrationnelles. Seulement, celles-ci ne visaient pas à corriger le genre humain par un arsenal dogmatique oppressant, elles étaient toujours en quête des mystères du monde et ne cherchaient pas à le mettre à distance. Elles faisaient leur miel de la complexité des hommes. 

    … qui doit nous aider à reconsidérer la place des grands monothéismes

    Avec les monothéismes, au contraire, apparaissent de nouvelles façons de voir qui placent l’homme dans un état de tension permanente : le salut, le péché, le jugement dernier, la confession, la purification de l’âme, la mortification de la chair ou le mépris de la vie terrestre, la rédemption, l’idée même de la conversion qui autorise le prosélytisme et ouvre la voie à la lutte contre tous les hérétiques… le puissant arsenal déployé notamment par le christianisme crée une brèche entre ce qui est et ce qui devrait être. Imaginez, aucun de ces dogmes n’existe dans la magie ou le chamanisme. Rien de tel dans ces croyances mystérieuses qui cherchent à réconcilier l’homme avec lui-même ! À l’exclusion bien sûr des déviances sectaires ou complotistes, qui versent à nouveau dans les jugements et les oppositions simplistes, elles sont des croyances réparatrices de ce lien perdu ou abîmé avec la nature, avec la spiritualité, avec le corps.

    “Et si les sorciers avaient raison ?”    

    Oublions donc les héritages du monothéisme qui nous interdisent de suivre nos croyances naturelles. Ces croyances primitives, et originaires, dans lesquelles l’homme retrouve le contact avec l’élémentaire. Nous avons tous, autour de nous, des exemples de ce que la croyance permet de faire lorsqu’elle ne s’oppose pas à notre nature. La croyance en un idéal, par exemple, permet d’accomplir de grandes choses, bien qu’elle nous aveugle aussi, et que l’on se mente, parfois, en suivant ses convictions. Mais il en faut pour bâtir des empires, monter une entreprise, ou partir à la conquête de Mars, comme Elon Musk. C’est pourquoi, selon moi, il ne faut rien exclure de notre recherche de liberté, pas même les religions lorsqu’elles peuvent nous apporter ce sentiment d’assurance et de confiance en soi. Cette grande sérénité, qui nous permet d’avancer, et ne nous fait  pas souffrir.  Je veux parler de ces croyances libres, qui renforcent l’homme, lui font sentir sa puissance, et accroissent sa sensibilité. 

    Des croyances qu’il peut être bon de suivre, même si elles ne sont pas vraies, ou qu’elles nous abusent sur la réalité. “La maturité de l’homme, c’est d’avoir retrouvé le sérieux que l’on avait au jeu quand on était enfant”, disait Nietzsche. Je suis parfaitement d’accord, c’est retrouver ce sérieux que nous avions, enfants, lorsque nous acceptions de caresser nos illusions et de ne pas chercher à les comprendre. Le voile d’illusions qui pousse l’homme à agir n’est pas toujours un écran de fumée. Les religions polythéistes, et animistes, nous le montrent bien. Les croyances naturelles peuvent être notre force, du moment qu’elles ne nous interdisent rien. Je pense que nous devrions nous inspirer de ces religions polythéistes comme d’une boîte à idées pour élargir notre propre réflexion. Alors acceptons, un instant, de nous donner des croyances qui nous renforcent, de croire en nous-mêmes comme si nous étions, nous-mêmes, des dieux ou des géants. 

    Je ne suis donc pas le seul à me fasciner pour les cultures “New Age”, “Wicca”, ou néo-païennes. Depuis quelques années, de nouvelles religions ont fait leur entrée sur les campus américains, et sont regardées avec intérêt dans les milieux intellectuels européens. Regardez, aujourd’hui, la fascination qu’éprouvent certaines féministes pour les sorcières, ces rebelles du Moyen-Âge. “La magie apparaît paradoxalement comme un recours très pragmatique, un sursaut vital, une manière de s’ancrer dans le monde et dans sa vie à un moment où tout semble se liguer pour vous précariser et vous affaiblir”, écrit Mona Chollet dans Sorcières, La puissance invaincue des femmes, encensant ces marginales qui acceptaient de “regarder au fond d’elles-mêmes”. Son best-seller montre bien qu’il existe, dans notre société, une curiosité pour ces pratiques longtemps interdites, et persécutées, au nom d’une certaine idée de la liberté.

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